Vous êtes écrivain, philosophe, metteur en scène, pianiste… et puis, un jour, vous remplacez au pied levé un comédien dans la pièce Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran et… vous devenez acteur! C’est vraiment aussi simple que ça?

Je ne sais pas si je suis vraiment devenu acteur… Je ne peux jouer que mes textes! Ma légitimité pour monter sur les planches, c’est d’être la source, l’auteur de l’histoire. Au fond, sur scène, je fais la même chose qu’à mon bureau lorsque j’écris: je disparais pour laisser parler mes personnages. J’ai le sentiment d’être juste quand je suis totalement absent et mes personnages, totalement présents.

Dans les prochaines semaines, vous porterez de nouveau ce texte sur les planches dans 23 villes du Québec. Est-ce que c’est facile de s’y replonger?

J’ai écrit Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran en 1999, mais le texte résonne encore mieux dans le monde actuel. Aujourd’hui, il faut militer pour la tolérance et la bienveillance, ce qui rend cette relation entre un enfant juif et un épicier musulman encore plus chargée. Quand j’ai écrit le texte, la société française était indifférente à l’Islam. Aujourd’hui, elle est inquiète. Les choses ont changé!

Votre personnage, Monsieur Ibrahim, dit que «le secret du bonheur, c’est la lenteur». On dirait que ça ne s’applique pas au rythme de vos parutions…

Effectivement! C’est pour ça que Monsieur Ibrahim est un vrai sage et moi pas! Chaque fois que je dis cette phrase sur scène, je le prends comme une claque. J’écris des personnages qui me sont infiniment supérieurs!

Quel est pour vous le pire inconvénient d’être un auteur connu? 

Dans les conversations, au restaurant, il m’arrive de ne pas dire exactement ce que je pense parce que j’ai peur d’être entendu à la table d’à côté. Je ne veux pas que les choses soient déformées, sorties de leur contexte. Ça m’oblige à un contrôle de moi-même qui est parfois fatigant. De temps en temps, j’aimerais vraiment me laisser aller! Il y a des jours où j’ai envie de ne pas me raser et d’enfiler mes vêtements moches pour aller promener mes trois chiens…

Quelle est l’idée fausse la plus courante que les gens se font à votre sujet?

Ils me voient produire, enchaîner les livres, les pièces, les films, mettre en scène, monter sur scène, alors ils croient que je ne prends pas le temps de vivre. La bonne nouvelle, c’est que c’est faux! J’ai la chance de savoir travailler vite.

Être l’auteur d’une lecture obligatoire dans beaucoup d’écoles, c’est intimidant ou c’est sympathique?

Au début, j’étais mécontent. Je préférerais ne pas être imposé! Je me souviens trop de certains auteurs qu’on m’a forcé à lire à un moment de ma vie où ils ne m’intéressaient pas. Je les ai boudés et j’ai mis des années avant de les redécouvrir et de les apprécier vraiment. En même temps, j’ai aussi découvert de cette façon des auteurs que je n’ai jamais quittés depuis.

Lisez-vous systématiquement les livres jusqu’à la fin ou vous arrive-t-il de les abandonner en chemin?

Quand, au bout de 30 pages, je me rends compte que l’auteur n’arrive pas à m’intéresser, je me dis que son livre n’est pas pour moi — ou pas pour moi maintenant — et j’abandonne. J’arrête aussi ma lecture quand je trouve que l’auteur écrit comme un cochon ou qu’il n’a rien à dire!

À DÉCOUVRIR:

10 livres québécois à mettre sous le sapin

6 livres québécois à offrir à papa

Le questionnaire Dompierre: rencontre avec Jonathan Roberge