Ce sera un dimanche soir, on viendra d’aller porter ton fils chez sa mère. Sur le chemin du retour, on pensera tous les deux au rangement qu’il y a à faire à la maison et à la mélancolie sournoise qui nous tourne autour quand on replace ses jouets dans sa chambre comme si on devait effacer les traces de lui jusqu’à la semaine prochaine, et on fera attention à ne pas buter sans avertissement sur un superhéros qui nous rappellerait combien ton petit nous manque. Ce soir-là, je te sentirais peut-être un peu plus triste que les autres fois de devoir te séparer de lui, ou alors ce serait moi. Je te dirai: «On va au resto? Ça fait longtemps.» Et on s’arrêtera quelque part, manger n’importe quoi qu’on aura envie de manger ce soir-là. Toi de la viande, histoire de compenser pour toute celle que t’as pas à la maison.

On s’assoira l’un en face de l’autre, je te trouverai beau. Et moi chanceuse de t’avoir. T’entendras ce que je pense, alors tu baisseras les yeux dans ton assiette, gêné, toi qui es jamais gêné de rien. J’espère qu’on va toujours garder ça, ce sentiment que c’est la première fois dès qu’on fait quelque chose. La sensation que c’est la première fois qu’on fait l’amour alors que tu connais mon corps mieux que les règles du soccer, la première fois qu’on se chicane alors qu’on est passés pros dans la discipline.

Notre première date, alors qu’on en a eu mille.

On va parler de tout et de rien, on va probablement se disputer sur un sujet sur lequel on est d’accord, à la base, juste pour le principe. Juste pour le plaisir de constater à quel point on est différents, à quel point on n’avait aucune chance, à la base, toi et moi, mais à quel point ça marche. Pendant un silence, tu penseras que je cherche un argument, mais je serai simplement en train de réfléchir à tout ce que tu m’as appris, à comment j’évolue à ton contact, tout ce que je vois aujourd’hui que je ne voyais pas avant. La version de moi-depuis-toi kick des culs. Je peux tenir le monde d’une main si tu tiens l’autre. Tu vas me regarder longtemps, en creusant loin. J’ai plus peur que tu découvres des affaires que j’avais jamais laissé voir à personne. Ça fait longtemps que je t’ai offert tout ça. Je vais te demander «quoi?» et tu vas me dire «rien», mais ça va vouloir dire «je t’aime».

On va sortir du resto, et froid ou pas, je me blottirai contre toi. On va marcher doucement pour rentrer à la maison. On sera bien. Ce sera suffisant.

Je vais te dire «je veux être ta femme» et tu vas répondre «OK».